Dans The Young Pope / The New Pope, le vicaire du Christ, Pie XIII, fait de la politique de bas étage. Mais au fait, Jésus, lui, fait-il de la politique ? La réponse du Père Henri-Dominique Lacordaire, dominicain, un des précurseurs du catholicisme moderne, dans son fabuleux livre Qui est Jésus-Christ ?, qui nous fait entrer dans l’intimité de Jésus.
Jésus-Christ voulait être reconnu comme Dieu, aimé comme Dieu, servi comme Dieu, adoré comme Dieu : il semble que la volonté dût quelquefois fléchir sous un si lourd fardeau, et que du moins Jésus-Christ devait recourir à tous les moyens humains capables d’assurer le succès d’une aussi gigantesque ambition (et y compris la politique, ndlr). Il n’en est rien, Jésus-Christ a méprisé tous les moyens humains, ou plutôt il s’en est abstenu.
La politique compte au premier rang de ces moyens. Elle est l’art de saisir dans un moment donné la tendance des esprits, d’assembler des opinions et des intérêts qui recherchent satisfaction, de pressentir ce que veut un peuple sans qu’il en ait toujours lui-même une conscience exacte, de se poser, à l’aide des circonstances, comme son représentant naturel, et de le pousser un jour sur une pente qui nous emportera
avec lui pour cinquante ans. Telle est la politique, art illustre, dont on peut user pour le bien et pour le mal, et qui est la source des vicissitudes heureuses et malheureuses parmi les nations.
Jésus-Christ était admirablement placé pour se faire l’instrument d’une révolution qui eût servi ses desseins religieux. Le peuple dont il était issu avait perdu, sous le joug des Romains, les restes de son antique nationalité. La haine de Rome y était au comble, et chaque jour les déserts et les montagnes de la Judée voyaient se former des bandes libératrices, sous le commandement de quelque patriote pourvu de hardiesse ou de considérations (voir aussi notre site La Résurrection du Christ).
Ces mouvements étaient secondés par des prophéties célèbres, qui avaient annoncé de longue main au peuple juif un chef et un sauveur. Le rapport de ces idées et de ces intérêts avec le nouveau royaume dont Jésus-Christ annonçait la venue prochaine, était manifeste.
Cependant, loin d’y conniver et de s’en servir, Il les foule aux pieds. On lui demande, pour le sonder, s’il faut payer le tribut à César, il se fait apporter une pièce de monnaie, et s’informant de qui en est l’image et l’inscription, il répond ensuite froidement :
« Rendez donc à César ce qui est à César; et à Dieu ce qui est à Dieu. » (c’est cela, la laïcité, ndlr).
Il va plus loin. Il annonce la ruine temporelle de sa nation. Il parle contre le temple, objet de la vénération
religieuse et patriotique des Juifs, et il prédit ouvertement qu’il n’en restera pas pierre sur pierre, ce qui fut cause qu’on rangea ce grief parmi les accusations portées contre lui devant la souveraine magistrature.
Sa doctrine, très favorable au peuple et aux petits, était de nature à lui concilier une grande popularité, ce qui est un ressort admirable pour les révolutions. Il obtint, en effet, l’ascendant sur le peuple, jusque là qu’on veut l’élire pour roi d’Israël, mais il s’enfuit pour éviter cet honneur, et brise entre ses mains une arme que le vulgaire des grands hommes eût estimée un don et un aveu du Ciel.
Conclusion : Jésus s’est passé de la politique.
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