Le Vatican est-il une dictature ? La réponse du pape Benoît XVI

Pie XIII, dans The Young Pope, est un tyran qui humilie ses conseillers, comme ici le cardinal Voiello (Silvio Orlando) en l'obligeant à baiser son pied, devant tous les autres cardinaux...
Lenny Belardo, allias Pie XIII, dans The Young Pope, est un tyran qui humilie ses conseillers, comme ici le cardinal Voiello (Silvio Orlando) en l’obligeant à baiser son pied, devant tous les autres cardinaux…

Le Vatican est-il une dictature et le pape, un homme autoritaire imposant ses points de vue, comme Pie XIII dans la série The Young Pope ? La réponse du pape Benoît XVI, tirée du livre d’entretiens avec le journaliste Peter Seewald, Lumière du monde / le pape, l’Eglise et les signes des temps, paru en 2010.

Peter Seewald : Dans de nombreux pays, des associations laïques militent pour l’indépendance à l’égard de Rome et pour une Église spécifique, d’esprit national et démocratique. Le Vatican est alors présenté comme une dictature, le pape comme un homme qui, d’une main autoritaire, impose ses points de vue. Quand on examine la situation plus précisément, on remarque l’accroissement des forces centrifuges plutôt que celle des forces centrales, la rébellion contre Rome plutôt que la solidarité avec Rome. Cette lutte d’orientation, qui dure à présent depuis des décennies, n’a-t-elle pas aussi provoqué depuis très longtemps une sorte de schisme au sein de l’Eglise catholique ?

Benoît XVI : Je dirais dans un premier temps que le pape n’a pas le pouvoir d’obtenir quelque chose par la force. Son «pouvoir» relève uniquement d’une conviction qui fait comprendre aux gens que nous dépendons les uns des autres et que le pape est chargé d’une mission dont il ne s’est pas chargé de son propre chef. Seule cette conviction permet à cet ensemble de fonctionner. Seule la conviction de la foi commune permet aussi à l’Eglise de vivre en communion. Je reçois tant de lettres, aussi bien de gens simples que de personnalités de premier plan, qui me disent : « Nous ne faisons qu’un avec le pape, il est pour nous le vicaire du Christ et le successeur de Saint-Pierre, soyez assurés que nous croyons et que nous vivons en communion avec vous. »

benoitxviIl existe bien entendu, et cela ne date pas d’hier, des forces centrifuges, une tendance à former des Eglises nationales — et certaines sont effectivement apparues. Mais aujourd’hui, justement, dans la société globalisée, dans la nécessité d’une unité interne de la communauté mondiale, on voit bien que ce sont en réalité des anachronismes. Il devient clair qu’une Eglise ne grandit pas en se singularisant, en se séparant au niveau national, en s’enfermant dans un compartiment culturel bien précis, en lui donnant une portée absolue, mais que l’Eglise a besoin d’unité, qu’elle a besoin de quelque chose comme la primauté.

J’ai été intéressé en entendant le théologien russe orthodoxe John Meyendorff, qui vit en Amérique, dire que leurs autocéphalies(1) sont leur plus grand problème ; nous aurions besoin, disait-il, d’une sorte de premier, d’un primat. On le dit aussi dans d’autres communautés. Les problèmes de la chrétienté non-catholique, que ce soit sous l’angle théologique ou pragmatique, tiennent en bonne partie au fait qu’elle n’a pas d’organe assurant son unité. Il est donc clair qu’un organe de ce type est nécessaire, il ne doit pas agir de manière dictatoriale, bien sûr, mais depuis la communion intérieure de la foi. Les tendances centrifuges ne disparaîtront certainement pas, mais l’évolution, la direction générale de l’histoire nous le disent : l’Eglise a besoin d’un organe pour assurer l’unité.

(1) Du grec autokephal, autodéterminé ; dans l’Eglise grecque, cela désigne une Eglise autonome. Les autocéphalies ont leur propre chef et désignent elles-mêmes leur archevêque/métropolite.

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