Qui était réellement Pie XII ?

Pie XII
Pie XII
Pie XII écrit un de ses messages radios de Noël à la machine à écrire. Aucune similitude avec le Pie XIII de The Young Pope, si ce n’est l’habit…

Dans The Young Pope, on parle peu de Pie XII, si ce n’est pour affirmer qu’il était conservateur. Mais qui était réellement ce pape ? La réponse d’Ivan Gobry, auteur du Dictionnaire des papes, paru en 2013 aux éditions Pygmalion.

PIE XII – Eugenio Pacelli (Rome, 1876 – Castelgandolfo, 1958)
260e pape (1939-1958) – successeur de Pie XI.

Né à Rome le 2 mars 1876, il est le fils de Filippo Pacelli, doyen des avocats du Consistoire pontifical. Il entre en 1894, après ses études secondaires, au collège romain Capranica, comme clerc externe, puis à l’Athénée pontifical Saint-Appolinaire,  pour ses études de théologie. Ordonné prêtre le 2 avril 1889 par Mgr Cassetta, patriarche d’Antioche, il est reçu au doctorat in utroque jure (droit canon et droit civil) et au doctorat de théologie. En 1902, il est nommé professeur de droit canon à l’Apollinaire. Le cardinal Varnnutelli lui ouvre en 1905 les portes de la Secrétairerie d’État, où il franchit les degrés de l’administration. Ensuite, la promotion est rapide : en 1912, Pacelli est pro-secrétaire d’Etat, en 1914 secrétaire d’État de Pie X. Il a trente-huit ans. Il demeure dans ce poste durant le pontificat de Benoît XV. En 1917, Pacelli est nommé nonce apostolique à Munich et archevêque titulaire de Sardes. Il négocie alors plusieurs concordats : avec la Lettonie (1922), la Bavière (1924), la Pologne (1925), la Roumanie (1927), la Prusse (1929). Nommé en 1929 comme cardinal secrétaire d’État par Pie XI, il signe en 1933 un concordat avec Hitler, devenu chancelier de la République de Weimar. Ce gouvernement ne respectant pas l’accord souscrit, Pacelli lui adresse cinquante-cinq notes de protestation.

En 1938, à la suite de l’Anschluss, il réclame au cardinal Innitzer, archevêque de Vienne, de rédiger une déclaration contre l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne. Pie XI étant mort le 10 février 1939, le conclave se réunit le 1er mars. Pacelli est élu dès le lendemain et prend le nom de Pie XII.

Un pape… bavard ! (40 encycliques)

Il choisir pour secrétaire d’Etat le cardinal Maglione. L’Europe venait de s’engager dans la Seconde Guerre mondiale. Le pape la dénonça dans sa première  encyclique, Summi puntificatusles merveilleux desseins du Seigneur » – 20 octobre 1939), condamna l’agression de l’armée soviétique contre la Finlande (26 décembre 1939), dénonça par Radio Vatican les atrocités commises par les armées allemandes en Pologne. Le 11 mars 1940, Pie XII protesta auprès de Ribbentrop contre le traitement des juifs en Allemagne, le 25 décembre 1941, à 1a radio, contre les persécutions raciales, le 2 juin 1943, contre les « mesures d’extermination », le 26 juin 1943, contre « la distinction entre les juifs et les autres hommes ».

Après la guerre, ce fut le communisme que le pape dut affronter. En 1948, le cardinal Mindszenty, primat de Hongrie et Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb, furent Juges et emprisonnés par des États communistes. Le 1er juillet 1949, les persécuteurs
furent excommuniés.
Pie XII a proclamé le dogme de l’Assomption de la Vierge Marie (constitution apostolique Munificentissemus Deus – « Dieu bienfaisant », 1er novembre 1950). Il a canonisé Gemma Galgani (1940), Louis-Marie Grignion de Montfort (1947), Catherine Laboure (1947), Jeanne de France (1950), Maria Goretti (1950), Pie X (1954).

Un précurseur

Il armonça la découverte, après de savants travaux archéologiques, de la tombe de saint Pierre, sous l’autel majeur de la basilique Saint Pierre (23 décembre 1950).

Il publia les encycliques Mediator DeiDieu médiateur », 20 novembre 1947) sur la liturgie, et Mirando prorsusLes merveilleux progrès techniques »  – 8 septembre 1957) sur les moyens de communication.
Pie XII mourut le 9 octobre 1958 à Castelgandolfo, résidence d’été des papes, après un pontificat de dix-neuf ans et sept mois. Il fut inhumé dans les grottes vaticanes, près de la chapelle ad caputaux pieds »), qui touche à la tombe de saint Pierre. Sa cause de béatification est à l’étude. Son successeur fut Jean XXIII.

D’où vient la Cité du Vatican ?

Vue de la Cité du Vatican, dans The Young Pope (le bus est arrêté en pleine côte)

Dans la série The Young Pope et son Pie XII fantasmé, l’impasse est faite sur la fabuleuse histoire réelle de la Cité du Vatican. D’où nous vient-elle ? La réponse de Michèle Jarton, historienne des religions, dans son livre L‘épopée du catholicisme, pour expliquer 2000 ans d’Eglise à mes amis.

Pie XI (1922-1939) et Pie XII (1939-1958) s’efforcèrent, en temps que papes, de faire reconnaître et respecter la liberté et les droits de l’Eglise sur la scène publique, comme le moyen de sa mission spirituelle. Dans un monde politique qui s’internationalise, il n’est plus question pour les gouvernements d’accepter que Rome intervienne directement dans les affaires temporelles.
Les relations entre l’Église catholique et les autres États prennent un nouveau visage avec la création de l’État pontifical, le Saint-Siège : le souverain pontife devient aussi chef d’État. Le traité du Latran va donner à l’Église catholique des moyens adaptés à la vie internationale de ce nouveau siècle, tant pour faire fonctionner librement son gouvernement centralisé et son extension universelle (lire aussi notre article Le Vatican est-il une dictature ?), que pour établir un réseau diplomatique qui deviendra planétaire. Il confère aussi à l’autorité du Vatican la faculté de prendre place au sein des organisations internationales nées après la Première guerre mondiale et qui se multiplieront après la Seconde (le Saint-Siège aura un statut d’« observateur », en raison de la neutralité imposée par les Accords du Latran, art. 24). Ce cas est unique pour une confession religieuse.

La Cité du Vatican

plan-cite-du-vatican

La fameuse « question romaine » trouve sa conclusion dans les Accords du Latran entre le Saint-Siège et l’Italie. Le 11 février 1929, le cardinal Gasparri, secrétaire d’État (au nom du pape Pie XI) et Mussolini, premier ministre (au nom du roi Victor-Emmanuel III) signent un traité et une convention financière annexe. Ils créent un nouvel État de 0,44 km2, sur la scène internationale, la Cité du Vatican.

On lit dans le préambule : « Étant donné que, pour assurer au Saint-Siège l’indépendance absolue et visible, il faut lui garantir une souverain indiscutable, même dans le domaine international, on s’est rendu compte qu’il était nécessaire de constituer… la Cité du Vatican, reconnaissant au Saint-Siège, sur cette même Cité, la pleine propriété, la puissance exclusive et absolue et la juridiction souveraine ».
Au regard du droit international, c’est le « Saint-Siège » (et l’« Église catholique ») qui a une personnalité juridique. Il est représenté par le pape qui exerce lui-même une double souveraineté territoriale (sur un État de 44 ha) et spirituelle (sur 1 milliard de fidèles). On distinguera donc l’action du Saint-Siège en tant qu’entité de la Cité du Vatican et en tant qu’entité de l’Eglise catholique (lire aussi notre article Saint-Siège et Vatican, c’est pareil ?).
Une convention financière stipule qu’à titre de dédommagements pour la perte de ses anciens États (les fameux Etats pontificaux) et de ses biens ecclésiastiques, le Saint-Siège recevrait de l’Italie 750 millions de lires et des titres à 5 % d’une valeur nominale de 1 milliard.
A l’occasion de la signatures des Accords du Latran, Pie XI affirme :

« Il nous plaît de voir le domaine foncier réduit à de si minimes proportions qu’il puisse et doive être lui-même considéré comme spiritualisé par l’immense, sublime et vraiment divine puissance spirituelle qu’il est destiné à soutenir et servir ».

Le pape va entreprendre de transformer cet ensemble de palais et musées en un lieu de gouvernement. Il construit une petite gare, une poste, un magasin d’approvisionnement, un service hospitalier… Seuls sont logés dans le minuscule périmètre du Vatican, le pape, la secrétairerie d’État, plusieurs services, collèges et musées. Les autres organismes, dont les Congrégations (ou ministères) sont situés à Rome, dans des bâtiments qui bénéficient du privilège de l’extraterritorialité, avec exemption d’expropriation (Annexe II, du traité du Latran).