Quelle est la place de l’Eglise catholique dans le monde ?

L’élection d’un nouveau pape, Pie XIII (photo ci-dessus), un évènement planétaire transformé dans The Young Pope en scène machiavélique, avec un Pie XIII imbu de lui-même, vitupérant, cassant, autoritaire et caractériel, d’après Pèlerin magazine… Mais quelle est la véritable place de l’Eglise dans le monde ?

Dans la vision extravagante et sarcastique du réalisateur de la série The Young Pope / The New Pope vendue dans plus de 110 pays, il n’est nullement question de l’importance de l’Eglise catholique, qui se tient pourtant au chevet du monde. Au contraire, même, le réalisateur et scénariste italien Paolo Sorrentino a déclaré « Il est illusoire de croire que l’Eglise a pris le chemin de l’ouverture et des bras tendus ». Qu’en est-il, en réalité, des bras ouverts de l’Eglise envers des millions de personnes, alors que pas plus tard que dimanche dernier par exemple, le pape François lui-même recevait des milliers de personnes sans domicile fixe au Vatican ? Deux auteurs, Austen Ivereigh et Natalia Trouiller, nous apportent ici une réponse à cette question, extraite de leur livre Comment répondre aux questions brûlantes sur l’Eglise sans refroidir l’ambiance

Un acteur mondial doté d’une vision mondiale

À l’heure actuelle, l’Église catholique compte 1,2 milliards de fidèles (17,5 % de la population), répartis sur tous les continents : 50% en Amérique du Nord et du Sud, un 25% en Europe, et le nombre de fidèles ne cesse d’augmenter en Afrique (16%), en Asie (11 %) et en Océanie (moins de 1 %). On compte plus de 5.000 évêques, environ 405.000 prêtres, 41.000 diacres mariés, 55.000 religieux et plus de 700.000 religieuses présents dans des centaines de pays.

L’Église catholique a la responsabilité de plus de 220 000 paroisses, 5 000 hôpitaux, 17 500 dispensaires et 15 000 maisons de retraite, ainsi que des dizaines de milliers d’écoles. Elle est certainement un des plus grands organismes d’aide au développement, si ce n’est le plus grand. Caritas Internationalis, une confédération de 165 organisations catholiques nationales à but caritatif, présente dans plus de 200 pays, basée à Rome et fondée il y a plus de soixante ans, estime son budget annuel à plus de 5 milliards de dollars. En Afrique, pour ne prendre que cet exemple, l’Eglise tient un quart des hôpitaux, et ses écoles reçoivent et instruisent environ 12 millions d’enfants chaque année. L’Eglise catholique soigne, éduque, forme et accompagne des millions de personnes à travers le monde entier. Il s’agit de l’acteur le plus important et le plus influent de la société civile mondiale.

Sa vraie richesse : son expertise en humanité

La richesse de son expérience et de sa sagesse, acquises par sa présence dans le monde, lui offre une véritable « expertise en humanité(1) », qui légitime ses prises de position morales à l’échelle internationale. L’Église catholique est le seul corps religieux à avoir une présence officielle aux Nations Unies, grâce à son statut d’Etat observateur.

C’est la seule religion à bénéficier d’un corps diplomatique (le plus ancien existant à ce jour). L’Église est un partenaire majeur des « Objectifs du millénaire pour le développement » (OMD), le plan d’action mondial des Nations Unies, et se bat sans relâche pour l’annulation de la dette et en faveur de multiples autres formes d’aide financière pour les pays en voie de développement.

A l’avant-garde de nombreuses causes

Le Vatican est le premier Etat du monde à avoir un bilan carbone neutre. Le pape François souhaite d’ailleurs que toute l’Église dans le monde entier suive cet exemple et fasse de la bonne administration de la création la plus importante de ses questions sociales.

Le Saint-Siège joue un rôle capital dans les négociations de désarmement et dans les traités sur le commerce des armes; il fait campagne contre la peine de mort, il négocie la libération d’otages et participe à la résolution de conflits. Il défend également des réformes destinées à mettre davantage l’économie au service de l’humanité.

En 2011, par exemple, le Conseil pontifical Justice et Paix a appelé à mettre en place de nouvelles structures mondiales capables de restreindre et de réguler les marchés financiers internationaux en vue du bien commun, en soutenant notamment l’idée d’une taxe sur les transactions financières.

Toutes ces initiatives pourraient être considérées comme progressistes, mais l’Église juge tout aussi progressiste son opposition aux lois favorables à l’avortement, au suicide assisté, au mariage pour les couples homosexuels, aux recherches sur les cellules souches embryonnaires, à la fécondation in vitro, à la gestation pour autrui et à la peine de mort que sa défense des migrants, des victimes des trafics humains et des personnes sans emploi.

La dignité des personnes avant tout

Le point commun de tous ces sujets est la défense de la dignité de la personne humaine, même si cette dignité n’est pas évidente pour la majeure partie de la société. Les droits et la dignité des bébés avortés, des enfants élevés dans un foyer homosexuel et privés d’un père ou d’une mère, des personnes âgées hospitalisées et des étrangers ne sont pas reconnus. Ils sont les victimes d’une « société du déchet », selon la puissante métaphore du pape François: « Malheureusement, ce ne sont pas seulement la nourriture ou les biens superflus qui sont objet de déchet, dit-il, mais souvent les êtres humains eux-mêmes, qui sont ‘jetés’ comme s’ils étaient des ‘choses non nécessaires’ (2) »

Le Saint-Siège, grâce à sa présence dans l’ensemble du monde et à l’attention qu’il porte à tous les hommes, a une position unique, qui lui permet de coordonner des réponses à des défis mondiaux tels que le trafic des êtres humains, le commerce des armes ou la peine de mort, que le pape François qualifie de méthode de punition « cruel(le), inhumain(e) et dégradant(e) », qui « ne rend pas justice aux victimes mais fomente la vengeance » (3).

Le Saint-Siège peut aussi apporter son aide à toutes les personnes exclues des structures traditionnelles qui protègent les plus vulnérables (comme les syndicats, par exemple). En octobre 2014, le pape François a prononcé un discours devant les participants la Rencontre mondiale des Mouvements populaires, afin d’appeler à la reconnaissance de leurs droits. Il est difficile d’imaginer n’importe quel autre dirigeant déclarer aux éboueurs, aux professionnels du recyclage, aux marchands ambulants, aux couturiers, aux pêcheurs, aux agriculteurs et aux autres travailleurs du secteur informel que « déjà à présent, chaque travailleur, qu’il appartienne ou non au système officiel du travail salarié, a droit à une rémunération digne, à la sécurité sociale et à une retraite, (…) je désire aujourd’hui unir ma voix à la leur et les accompagner dans la lutte. » (4)

Pour aller plus loin :

Notes :

  1. Selon les termes de Paul VI dans un discours aux Nations Unies, le 4 octobre 1965.
  2. Discours du Pape François au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 1 3 janvier 2014.
  3. Lettre au président de la Commission internationale contre la peine de mort, 20 mars 2015.
  4. Discours aux participants à la Rencontre mondiale des Mouvements populaires, 28 octobre 2014.

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