Les cathos ont-il un problème avec le sexe ?

Ludivine Sagnier - The Young Pope - Pie XII

Dans la première saison de la série The Young Pope / The New Pope, on voit Esther (Ludivine Sagnier), qui, faute d’avoir un enfant avec son mari garde-suisse, s’entiche d’un prêtre et bientôt, du pape Pie XIII, pas insensible à ses avances… Chaude ambiance !

Alors, les cathos et le sexe, voyez-vous le rapport ? Pourtant, dans la série, il apparaît clairement que les catholiques ont nécessairement un problème avec leur sexualité : les prêtres (y compris le pape) sont des frustrés et ont manqué l’amour de leur vie, les autres estiment que ce n’est qu’une question de procréation (sic). Enfin vous connaissez le topo…  Notre envoyée spéciale, Lidy Commandement, est partie enquêter : interview.

Comment ont commencé vos recherches ?

Lidy Commandement : J’ai voulu commencer par… le commencement. Chaque religion a son livre sacré. Chez les chrétiens, c’est la Bible. Et là vous ne devinerez jamais sur quoi je suis tombée… un poème érotique ! Si si, vous pouvez aller voir par vous-même ! Cela s’appelle le Cantique des Cantiques. Fait encore plus étrange, ce poème érotique, se trouve… pile au milieu de la Bible, comme en son cœur. Ce qu’il y a d’étonnant dans ce poème c’est qu’a aucun moment il n’est question d’enfant à venir ou de grossesse ! Bref, l’amour physique, l’amour passion, n’est pas l’inverse de la foi dans une religion monothéiste. Je ne résiste pas au plaisir de vous en citer quelques lignes (chapitre 7, traduction Louis Segon) :

« Le bien aimé : les contours de ta hanche sont comme des colliers, œuvre des mains d’un artiste. Ton ventre est une coupe arrondie, où le vin parfumé ne manque pas. Ton sexe est un amat de froment entouré de lis. Tes deux seins sont comme deux faons, jumeaux d’une gazelle. Ton cou est comme une tour d’ivoire ».

Et un peu plus loin :

« Ta stature ressemble au palmier, et tes seins à des grappes. J’ai dit : je monterai au palmier, j’en saisirai les fruits ! Que tes seins soient comme des grappes de raisin, le parfum de ton souffle comme celui des pommes, et ta bouche comme le vin du bonheur. La bien aimée : Il coule tout droit pour mon bien aimé, il glisse sur les lèvres de ceux qui dorment ! Je suis à mon bien aimé, son désir est sur moi. »

Donc le plaisir sexuel n’est pas un interdit dans la religion catholique ?

C’est ce que je me suis tout de suite dit ! Alors là j’ai fait un truc, et vous pouvez tenter l’expérience. Je suis allée sur Google et j’ai tapé les deux mots « plaisir, sacré » pour voir comment ces notions a priori contradictoires cohabitaient ensemble. En tête des recherches, Amazon.fr me proposait un livre au titre complètement révolutionnaire : « Ne gâchez pas votre plaisir, il est sacré ! Pour une liturgie de l’orgasme », écrit par Olivier Florant, un sexologue… théologien (comme quoi, on peut être sexologue et théologien à la fois !). Je l’ai tout de suite acheté ! Ce livre surprenant et captivant ouvre des horizons bouleversants. Il explique que le mariage chrétien ne se limite pas à la procréation. Le désir physique, le plaisir, bref, le sexe, le vrai, en font totalement partie. Mieux encore, le respect envers la personne prôné par la religion chrétienne peut même porté le plaisir sexuel jusqu’à  des bonheurs réciproques que l’on n’atteint pas autrement !  Le livre montre que faire l’amour est un art.

A un moment une comparaison est intéressante. L’auteur prend l’exemple de l’art de gastronomie ! Simple mais parlant. Un repas réussi, c’est d’abord un bon moment passé ensemble. Tout compte pour cela : les sensations exquises ressenties par nos papilles, le temps pris pour  goûter, et apprécié, la décoration de la table, les conversations. Pour l’Eglise, le plaisir du sexe pour le plaisir du sexe n’a pas de sens. Mais le plaisir pour nous unir, oui. Car nous sommes faits pour vivre ensemble, être en relation, et nous aimer. D’ailleurs, savez vous que le film préféré du pape François est le Festin de Babette ?

olivier-florant-livre-sexualiteDonc l’Eglise n’autorise pas le sexe que pour la procréation ? Et pourquoi alors s’oppose-t-elle à la contraception ?

Bien sur que  l’Eglise n’autorise pas le sexe que pour la procréation ! D’ailleurs si c’était le cas elle refuserait le mariage aux couples qui ont dépassé l’age de la fertilité. Et ce n’est pas le cas, depuis toujours l’Eglise accueille et marie des personnes qui désirent consacrer leur amour et qui ne sont plus en âge de procréer. En fait, il faut bien remettre les choses à leur place et relier correctement jouissance et procréation.

Olivier Florant cite D.H. Lawrence commentant lui même son sulfureux roman l’Amant de Lady Chatterley : « Nous savons cela, le phallus est une colonne de sang qui remplit la vallée de sang d’une femme. La grande rivière de sang masculin touche jusque dans ses profondeurs la grande rivière de sang féminin et pourtant aucun d’eux ne brise ses frontières. C’est la plus profonde de toutes les communions, comme le savent en pratique toutes les religions ».

Si l’Eglise exige une ouverture à la vie, c’est parce qu’elle rappelle que l’acte sexuel dans toutes ses dimensions est un hymne à la vie et à la communion. Il est donc important de laisser la vie suivre son cours et de ne pas dénaturer l’acte.

Olivier Florant nous fait part également des confidences reçues de ses patients en tant que thérapeute. Il explique cliniquement les rapports entre jouissance et procréation :

« Pour les femmes, le don du sperme a un sens fort. Certaines femmes confient ressentir et apprécier le passage du sperme dans leur vagin. (…) La puissance virile reste liée au sperme dans les arrières pensées. (…). Pour la plupart des hommes, l’insémination est considérée comme essentiel à l’acte sexuel pour qu’il soit total, complet, satisfaisant. (…) Le véritable achèvement de l’acte sexuel dans la profondeur du psychisme comporte la procréation. Sinon il n’en est qu’une tentative. C’est la seule explication possible des sexologues pour comprendre les actes manqués de contraception. Si tel n’était le cas, on ne saurait expliquer un si grand nombre d’échecs de la contraception quelque soit la méthode employée. »

La bonne nouvelle qu’annonce l’Eglise sur le sexe, c’est aussi que le couple peut aussi utiliser les périodes infertiles de la femme pour célébrer son amour. Elle pose la question suivante : se limiter aux périodes infertiles quand on ne veut pas de nouvel enfant pendant un temps, est-ce une contrainte intolérable pour l’épanouissement érotique ? « Boulimie n’est pas gastronomie » répond Olivier Florant !

Dieu aime-t-il le sexe ?

La nouvelle responsable communication du Saint-Siège (jouée par Cécile de France, photo ci-dessus) sera-t-elle la future conquête du pape Pie XIII, étant la seule à lui tenir tête ?

Dans la série The Young Pope / The New Pope, l’idée que de Dieu puisse aimer le sexe semble définitivement rejetée… même si bien sûr, certains des protagonistes en sont obsédés ! Mais alors, qu’en est-il réellement, dans la réalité vraie ? La réponse du philosophe Paul Clavier, normalien, auteur du livre 100 questions sur Dieu.

Si l’on se place dans la perspective d’un Dieu Créateur du ciel et de la Terre, créant librement l’être humain à son image et à sa ressemblance, on devrait arriver logiquement à la conclusion que Dieu aime le sexe.

Non pas au sens où Dieu serait un adepte des relations sexuelles, que lui apporteraient-elles ? Mais au sens où il n’y a pas, de sa part, réprobation de l’activité sexuelle. Dans la Bible, le Livre de la Sagesse (chapitre 11) insiste : « Oui, tu aimes tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé. Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne l’avais voulue ? Ou comment ce que tu n’aurais pas appelé aurait-il été conservé ? Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la vie. » 

La faute au péché originel ?

Une étrange habitude de pensée voudrait que la faute originelle soit liée à l’acte sexuel. Cette interprétation du livre de la Genèse, au début de la Bible, est évidemment tendancieuse. Calvin, pasteur emblématique de la Réforme protestante, la traitait de « fantaisie froide et sotte », et pourtant Calvin n’était pas un boute-en-train sexuel. Que la sexualité humaine soit un lieu où l’égoïsme, la violence, l’orgueil, la perversité trouvent à s’exercer, on le constate tous les jours. Mais rien, a priori, ne condamne l’activité sexuelle à être du côté obscur de la force (!). Le sexe n’est pas plus maudit que le travail, l’art, la politique, le sport. Si Dieu a créé l’homme à son image, et si « homme et femme, il les créa », alors c’est que quelque part, la vie sexuelle exprime quelque chose de l’amour de Dieu. Mais peut-être pas dans toutes les positions ni dans tous les cas de figure !

Sexe : quand les papes contredisent The Young Pope !

Dans The Young Pope, la très *trop* fervente catholique Esther (Ludivine Sagnier, photo ci-dessus) estime que le sexe est uniquement fait “pour la procréation” (sic)…

« Le sexe est fait pour la procréation ». C’est qu’Esther (Ludivine Sagnier) affirme sérieusement à son mari garde-suisse qui lui reproche à demi-mots de ne pas éprouver de plaisir. Comme si c’était ce qu’enseigne l’Eglise ! En attendant une explication plus longue, voici un florilège de citations, envoyé par un de nos lecteurs, qui contredisent totalement que l’Eglise réduit la fonction de la sexualité à la procréation. En effet, la sexualité est sainte et bonne en tant que telle, et un de ses fruits est la fécondité, mais il n’est ni le seul, ni le premier !

Pape François

« L’érotisme le plus sain, même s’il est lié à une recherche du plaisir, suppose l’émerveillement, et pour cette raison il peut humaniser les pulsions. Par conséquent, nous ne pouvons considérer en aucune façon la dimension érotique de l’amour comme un mal permis ou comme un poids à tolérer pour le bien de la famille, mais comme un don de Dieu qui embellit la rencontre des époux. Étant une passion sublimée par un amour qui admire la dignité de l’autre, elle conduit à être une pleine et authentique affirmation de l’amour qui nous montre de quelle merveille est capable le coeur humain, et ainsi pour un moment, on sent que l’existence humaine a été un succès ».

Benoît XVI

« C’est seulement lorsque les deux se fondent en une unité que homme ou femme devient vraiment lui-même : c’est dans la communion avec l’autre sexe qu’il peut devenir complet »
« L’Eros ivre et indiscipliné n’est pas montée ni extase vers le divin, mais chute et dégradation », mais si les époux avancent sur un « chemin de montée, de renoncement, de purification et de guérison » il peut alors « goûter non le plaisir d’un instant mais comme l’avant-goût du sommet de l’existence, de la béatitude vers laquelle tend tout notre être. Oui, l’Eros peut élever en extase vers le Divin ».

 

Jean-Paul II

« L’éternelle, la constante, la puissance attirance sexuelle de l’homme et de la femme est à trouver dans le Mystère même de Dieu-Communion, dans ce « Une seule chair » originel, dans la joie immense de la rencontre et de la communion d’Adam et Eve qui forment en cela « le modèle pour tous les hommes et pour toutes les femmes qui, à n’importe quelle époque, s’uniront l’un à l’autre »
« A travers l’un et l’autre, mari et femme, le langage du corps devient la langue de la liturgie (qui) élève le pacte conjugal aux dimensions du mystère »
« A la mesure de leur écoute et attention à l’autre, dans le soucis de ne pas d’abord prendre mais de donner cela« conduit homme et femme à participer à cet étonnement originel qui pousse Adam à crier ‘C’est l’os de mes os, la chair de ma chair’, étonnement dont on perçoit l’écho dans le Cantiques des Cantiques : ‘tu me fais perdre les sens, ma sœur, ô fiancée’ ‘. Ainsi, « loin d’appauvrir les manifestations affectives des époux, (cela) les rend spirituellement plus intenses et par conséquent les enrichit ».
«  Le Cantique des Cantique développe en un livre l’exultation d’Adam d’Adam lors du ‘une seule chair’ de la Genèse : « en un ample dialogue mutuel où s’expriment et se répètent continuellement stupeur, allégresse, fascination, séduction, dialogue, affection, admiration, ravissement, attachement, découverte, émerveillement dans l’expérience directe de leur visibilité et de leur expression de tendresse. »
« Formés à l’image de Dieu comme communion de personnes, l’homme et la femme sont appelés à manifester l’Esprit quand ils s’unissent, de manière à former “une seule chair” ». Ainsi ils peuvent “Glorifier Dieu dans leur corps !” (1 Co 6, 20). »